Dans mon atelier, je suis dans une bulle, complètement isolée du reste du monde ; je mets un CD de musiques ambiantes, toujours le même (j’en ai essayé d’autres, je ne les ai pas aimés). Je suis hors du temps et de toute considération extérieure à mon univers, je me ferme à tout ce qui n’est pas peinture, je peins et je suis bien…
Je suis quelqu’un de sauvage, j’apprécie le silence, le calme, et je goûte avec délectation ces longs moments de solitude, seule face à ma toile, face à moi-même… Je suis une contemplative, je peins tout ce qui me plait, tout ce qui me touche, tout ce qui me parle. Esthétiquement parlant, le beau comme le laid, exercent sur moi une fascination. Qu’importe le sujet, tout m’attire et m’intéresse. Même si j’affectionne particulièrement la réalisation des portraits, j’aime aussi peindre tout autre sujet pourvu qu’il m’interpelle…

Quel plaisir que la recherche d’une couleur, d’une lumière, d’une expression. Au début, je n’aime jamais ce que je fais, je cherche, je tâtonne, j’hésite, j’efface, je suis très critique, pas contente de mon travail, toujours à la recherche de plus d’harmonie, de lumière. Et puis, tout d’un coup, sans que je sache exactement pourquoi, quelque chose se détache, une dernière touche transforme subitement ma peinture… Je sais que chaque fois que je commence une toile, je devrai en passer par là, ce moment de doute et de rejet. Mais je sais aussi, qu’à très peu d’exceptions près, je vais, sinon arriver à réaliser exactement ce que je veux, mais tout du moins m’en approcher. Car, il faut que je l’avoue, je ne suis jamais totalement satisfaite du résultat, j’ai toujours envie de faire une retouche ici ou là, surtout si je reste un grand moment sans regarder ma toile.
Il faut se dire qu’on évolue, dans tous les domaines, que ce soit en peinture ou ailleurs. Alors, il faut accepter de regarder ses toiles anciennes, sans les rejeter, mais avec une certaine tendresse, une certaine mélancolie, et beaucoup d’indulgence. Et surtout, ne pas vouloir les retoucher, ni les modifier : elles font partie de notre parcours, elles illustrant les étapes de notre évolution.
Quand mes obligations familiales ou autres m’appellent loin de mon atelier, je suis en manque, « j’ai les pinceaux qui me démangent », comme j’aime à le dire… J’ai tant de temps à rattraper, n’ayant pas pu assouvir plus jeune ma passion comme je l’aurais souhaité, par manque de temps, de disponibilité…

Alors, maintenant, je peins, je ne peux pas imaginer ne plus peindre. C’est un besoin viscéral, une nécessité, qui me rendent heureuse et m’épanouissent. L’âge n’a plus de prise sur moi, la peinture est un merveilleux remède contre tous les maux, une échappatoire d’excellence… Je suis «entrée» en peinture, et je peins comme je le sens, avec force et énergie, amoureuse de toutes les couleurs. Je « jette » sur mes toiles toutes mes impressions, toutes mes sensations, ce qui aboutit à des toiles très diverses, sans style vraiment élaboré. Car, je refuse de m’enfermer dans un style précis, je ne veux pas que mes toiles se ressemblent, et même si je le voulais, je ne le pourrais pas, car je peins selon mon humeur, en fonction de ce que je ressens à un moment précis : un jour, j’aurai envie de couleurs vives, de peindre au couteau, de « balancer » des touches épaisses sur ma toile, je peindrai alors un océan déchaîné, des paysages flamboyants d’automne. Un autre jour, j’aurai envie de plus de douceur, de peindre un portrait très « léché », de touche minutieuse.

Je ne veux pas être enfermée dans une catégorie, je refuse d’être prisonnière d’un style de peinture. Je veux peindre ce qui me plait, comme cela me dit, à un moment donné : un jour au couteau, l’autre jour au pinceau, un autre jour encore en mixant les deux, qu’importe la technique, pourvu que cela puisse exprimer ce que je ressens à ce moment bien précis. J’ai besoin de liberté, de faire ce que bon me semble, sans me soucier de répondre à des codes…
Régine